Bodoï: Vous êtes né un 29 février à Venise, vous êtes donc un jeune homme de 12 ans...
P.E.Serpieri: Oui, vous voyez, je suis une sorte de petit prodige...(rire)
Bodoï: Quelle importance revêt la BD dans votre œuvre?
P.E.Serpieri: La BD est aujourd’hui ma principale activité, une recherche continue et une grande passion, celle de raconter des histoires conjugant images et littérature. Mais j’ai enseigné le dessin, la fresque et la peinture pendant des années. J’ai surtout consacré mes débuts à la recherche en peinture dans un registre figuratif et expressionniste, avec mon maître Renato Guttuso. Puis, afin de sortir de ce piège, j’ai eu recours à de nouvelles matières, ce qui m’a amené jusqu’à l’abstraction. C’est alors que j’ai vraiment senti le besoin de raconter, de mettre en scène des corps, d’où le recours à l’hyperréalisme. C’est vers 1975 que des éditeurs m’ont proposé de faire de la BD. J’avais à cet égard beaucoup de préjugés, puis je me suis rendu compte qu’il y avait des très grands auteurs en bande dessinée comme Pratt ou encore l’Argentin Salinas.
Bodoï: C’est donc une passion plutôt tardive?
P.E.Serpieri: Non : les westerns, très tôt, m’ont amené à la BD. Avec mon frère, j’essayais de revivre à la maison la magie de ce genre de films en les redessinant, en ajoutant d’autres personnages, en fouillant leur personnalité. Mais pour moi, il n’y a pas de compétition entre le cinéma et la BD : la bande dessinée, c’est de la littérature en images, exercice presque impossible à réaliser au cinéma...
Bodoï: Quel est le rapport avec Druuna?
P.E.Serpieri: L’Indien représentait pour moi l’Alien, l’autre, avec ses mystères à déchiffrer... et j’éprouve encore une véritable fascination pour les grands espaces et les scènes de batailles traitées à la Remington. Avec la science fiction, dans Morbus Gravis, je retrouve un peu de cet envoûtement à l’égard de l’inconnu, de la frontière... et avec Druuna, la fascination pour l’Autre...
Bodoï: Vous parliez de littérature. Qui sont les auteurs cités dans Druuna X2?
P.E.Serpieri: Ce sont des poètes français du XVIIIe siècle, époque qui marque l’apothéose du libertinage. Poupelinière, par exemple, est un grand auteur qui me permet d’évoquer l’érotisme contemporain avec une connotation un peu aristocratique. Druuna y a sa place : figure emblématique de l’érotisme actuel, elle est aussi intemporelle, comme le plaisir.
Bodoï: Vous êtes un aristocrate de la BD?
P.E.Serpieri: Franchement, je m’adresse ici à un public raffiné recherchant des plaisirs cérébraux. La littérature érotique est par nature très cérébrale et elle s’adresse avant tout à l’individu. Même quand elle a un simple rôle de communication, elle constitue un rapport de personne à personne, individualiste, donc en définitive élitiste.
Bodoï: Le cycle Druuna s’est vendu à environ 1 million d’exemplaires, n’y a-t-il pas là une contradiction?
P.E.Serpieri: Disons qu’à travers des livres comme Druuna X et Obsession, je cherche un public différent pour qui le texte est aussi important que l’image. La littérature donne une dimension presque musicale à ces livres où l’image n’est pas forcément exactement en rapport avec le texte... Mettre au plus beau du beau l’érotisme, c’est en faire une sorte d’opéra, lui donner un contrepoint tonal...
Bodoï: Druuna, c’est plutôt votre côté fanfare et majorettes?
P.E.Serpieri: Disons que Druuna est un personnage excessif, notamment à cause de sa poitrine, mais la BD est aussi un art de l’exagération et Druuna représente pour moi la Femme en général. Si les livres de Druuna X plaisent à 20 % des lecteurs de Druuna, ce sera déjà pas mal, en tout cas, je ne veux pas me trahir. Si je réfléchis à ce que veut le lecteur, cela devient une commande et je suis profondément allergique à cela.
P.E.Serpieri: Si, quand j’ai débuté en BD, je travaillais avec différents scénaristes, mais ils changeaient tout le temps, et j’entrais souvent en conflit avec eux. A partir des années 80, j’ai commencé à travailler seul et depuis Druuna, plus personne ne me fait de propositions. L’éditeur italien Bonelli, chez qui j’ai débuté et qui fait surtout travailler ses auteurs en studio, voudrait me faire refaire un western, mais les scénarios sont très rigoureux et je m’y sens à l’étroit. Reste que si quelqu’un me propose un beau texte...
Bodoï: Qui pourrait vous faire un scénario aujourd’hui?
P.E.Serpieri: Difficile à dire. Pour le Far West, je pense à un grand fumettiste italien du nom de Gianfranco Berardi. Jodorowsky est un peu trop mystique pour moi, mais il y a Moebius... En fait, je suis très individualiste et je n’aime pas la sève des autres.
Bodoï: Qui sont vos amis dans la BD?
P.E.Serpieri: Je me sens proche de créateurs tels que Druillet ou Bilal, ils sont ma vraie famille.En Italie, je fréquente certains dessinateurs de Rome où j’habite, mais il y a dans ce pays un sérieux conflit entre la BD populaire et la BD d’auteur. Certains fumettistes ont une forme de paranoïa et envient mes privilèges d’“auteur”. Je suis entré par la grande porte dans la BD, je n’ai jamais été obligé de me justifier, que ce soit auprès des auteurs, des lecteurs ou des critiques. Et mon personnage m’appartient, j’en fais ce que je veux à mon rythme.
Bodoï: Vous avez, dit-on, horreur d’être comparé à Milo Manara ou même d’en parler...
P.E.Serpieri: Comment dites-vous ? Manara? (rire). Non, je plaisante : Milo fait une BD très raffinée, je l’aime beaucoup, j’apprécie son érotisme et son trait, je le lis volontiers, mais j’ai pris une autre direction. La femme m’intéresse pour beaucoup plus de raisons que lui, je suis plus proche du corps de la femme, de sa chair, de ses rondeurs, de son cul... Je travaille plus sur l’élément sculptural, les volumes, les sens et les sensations. Manara a un dessin peut-être plus beau mais plus plat.
Bodoï: Et Liberatore?
P.E.Serpieri: Je réfute totalement que le plaisir ait partie liée avec le péché, c’est même un véritable combat que je mène. A la différence de Liberatore, je ne suis pas sexuellement stimulé par les odeurs de sacristie! Liberatore est un grand illustrateur que je respecte, il a contribué à élever le niveau de la BD, mais côté scénario, ses arguments sont un peu gamins.
Bodoï: Rappelez-moi... vous n’avez pas dessiné la Bible pour les Editions Larousse?
P.E.Serpieri: Si, mais je suis aussi un professionnel et c’était une commande. D’autre part, j’ai un grand respect et une réelle fascination pour la figure de Jésus Christ, qui est parmi les plus belles, fortes et émouvantes de l’histoire de l’homme. Mais je suis totalement agnostique. La Bible est amusante, c’est un monde aventureux que j’ai aimé recréer, mais cette histoire restera une parenthèse dans ma vie.
Bodoï: Que jugez-vous vulgaire ?
P.E.Serpieri: L’esprit obtus et le moralisme. La représentation du sexe n’a rien de vulgaire sauf quand le sexe est mythifié, que l’acte est parfait, épuré, joli, ou s’il est lié à la violence. La pornographie, représentation répétitive d’actes sexuels dans leur continuité, est barbante mais pas vulgaire. Reste qu’en Italie, la vulgarité, pour moi, c’est surtout la prévarication.
Bodoï: Le sexe vous a rendu riche ?
P.E.Serpieri: (Rire) Ça, c’est une question vulgaire. Je vis bien, mais je ne fais pas ce que je fais pour l’argent, ce n’est pas mon moteur.
Bodoï: Vous avez eu des moments difficiles avec la censure?
P.E.Serpieri: Oui, en France, quand mon éditeur Dargaud a été vendu à Média Participation, son catalogue Image Passion dont je faisais partie a été négocié à un autre éditeur parce que les repreneurs trouvaient que son contenu n’était pas conforme à leur éthique, et Druuna s’est arrêté. A la même époque, dans Charlie-Pilote qui me publiait, le deuxième Druuna s’est interrompu parce qu’on voulait censurer certaines images. Je leur ai dit d’aller se faire foutre et je suis parti ; il y a eu trois pages blanches dans le journal avec la mention “ censuré ”. J’ai aussi des problèmes aux Etats-Unis : quand un sexe d’homme est représenté, on le cache derrière une bulle car c’est assimilé à de la pornographie.
Bodoï: On rapporte que la saga Druuna est née d’un cauchemar...
P.E.Serpieri: Exact, et au sens propre : dans ce rêve, je me trouvais dans une grande salle, un grand espace plein de détritus, avec des escaliers en colimaçon qui descendaient vers une sorte de cité souterraine d’où sortaient des êtres monstrueux et des cris terrifiants. Il y avait une grande verrière qui m’empêchait de remonter vers l’extérieur. Des monstres apparemment immobiles s’approchaient insensiblement de moi. C’était une sensation terrible. J’ai eu alors l’idée de raconter l’histoire d’une ville qui aurait plusieurs niveaux, avec en bas l’enfer peuplé de monstres et en haut une sorte de paradis représentant le salut. Le personnage féminin ne devait pas être le personnnage principal, mais Druuna a pris le pouvoir et a fini par s’imposer.
Bodoï: Elle n’est pas devenue un peu encombrante ?
P.E.Serpieri: Oh ! Parfois, on se fâche un peu, elle crée des problèmes avec ma compagne, mais c’est une intrigante qui reste dans mon dos à me regarder vivre.
Bodoï: Elle peut vieillir?
P.E.Serpieri: C’est un grand problème en bande dessinée. Crépax l’a fait pour Valentina, mais avec Druuna, ce serait dommage... Inutile de renchérir sur la réalité...
Bodoï: Il semble que Druuna existe réellement?
P.E.Serpieri: Je n’aime pas en parler. Si on lit cette interview en Italie, ça pourrait me poser des problèmes personnels, et je n’en ai pas du tout envie. Disons que ce fut une rencontre très belle mais frustrante. Bien sûr, je me retourne volontiers dans la rue pour regarder une chute de reins - c’est la partie de l’anatomie que je préfère et de loin - mais j’étais en train de regarder une vitrine, via del Corso à Rome, quand elle est passée. J’ai vu le reflet de son visage, j’en suis resté stupéfait. Elle avait un très beau corps dans une petite robe légère, très étroite et fluide, elle avait les yeux noirs. Immédiatement, j’ai voulais revoir ce visage apparu dans la vitrine. Mais je me suis rendu compte que je n’étais pas seul, qu’il y avait plein de types qui la suivaient déjà...
Bodoï: Que signifie le nom de Druuna?
P.E.Serpieri: Cela vient de livres sur les Celtes que je lisais à cette époque. Une de ces tribus s’appelait les Druuni. J’ai trouvé intéressant le paradoxe entre la réalité de Druuna et le souvenir de ce monde antique. Son nom évoque aussi la lune, les dunes, les brunes. Et j’aime beaucoup les brunes...
Bodoï: Et Shaastar?
P.E.Serpieri: Son nom vient aussi de l’histoire celtique. C’est un être à l’image mystérieuse, héroïque, très complexe et tourmentée, qui intervient toutefois dans les histoires comme un point de repère.
Bodoï: Et Morbus Gravis?
P.E.Serpieri: C’est la maladie. Morbos, thème de cette saga, signifie Le Mal. Initialement, ce devait être le titre en français, mais j’ai préféré ce titre latin qui signifie le mal cruel, ou encore la peste..
Bodoï: Le virus du Sida venait aussi d’être identifié...
P.E.Serpieri: Oui, et il y avait sous-jacente cette idée de punition, de mal absolu et incurable, lié au plaisir et au péché, selon la définition qu’en a donnée l’église.
Bodoï: Druuna traverse toutes ses aventures en toute intégrité!
P.E.Serpieri: Oui, car elle représente la vie, qui est un thème typiquement féminin. Elle trouve toujours une solution à tout. L’homme, lui, reste souvent coincé car il est plus fragile.
Bodoï: Avez-vous été sauvé par des femmes?
P.E.Serpieri: Ma vie dépend entièrement de ces créatures. Mais je ne suis pas des ces Italiens pour qui l’amour démesuré de la femme ramène en fait à la mère, figure qui reste la compagne de leur vie. Je ne me fabrique pas non plus un tableau de chasse, je ne supporte pas que la femme se résume à l’idée de possession ou de domination.
Bodoï: Il y a presque toujours des Noirs dans vos histoires. Question de quotas ou de mensurations?
P.E.Serpieri: (Rire) Non, mes blonds aussi sont assez monstrueux à ce niveau-là !... C’est pour qu’il y ait des personnages masculins un peu différents, un peu intriguants par rapport à l’histoire, et ce n’est pas plus mal de scandaliser dans la mesure du possible.
Bodoï: Quand vous dessinez Druuna X, à quoi pensez-vous?
P.E.Serpieri: Je libère mes désirs profonds. J’essaie d’être le plus honnête possible, de raconter quelque chose qui fait partie de ma réalité, de ce que je vis ou essaie de vivre, pas tous les jours, bien sûr, mais disons une fois par semaine... (rire)
Bodoï: Vous travaillez sur quels formats?
P.E.Serpieri: De très grands formats pour mes peintures extrêmes, mes compositions les plus complexes. J’aime les grands gestes qui construisent des formes dans l’espace.
Bodoï: Druuna vous oblige plutôt à travailler du poignet, si j’ose dire.
P.E.Serpieri: C’est vrai...
Bodoï: Et le poignet bloque parfois?
P.E.Serpieri: Oui, alors je m’arrête, je pense, je fais autre chose. Ainsi, après avoir réalisé dix pages du prochain Druuna, La Planète oubliée, je me suis rendu compte que quelque chose ne collait pas. Alors, j’ai fait Druuna X2. J’ai pris un pied extraordinaire, puis je me suis remis avec joie à la BD.... Je peux très bien arrêter de nouveau cet album dans quinze jours pour me mettre à la sculpture par exemple, et y revenir ensuite: pour moi, l’illustration est à la fois nourrissante et libératoire, mais personne, il est vrai, ne m’oblige à rendre mon travail en temps et en heure!
Bodoï: Quelles sont vos limites ?
P.E.Serpieri: Je suis un perfectionniste : je ne retouche pas mon travail, je le refais. A l’origine, je n’écris jamais un scénario, mais un texte conçu comme un roman. Je dessine petit à petit, puis j’exécute le scénario en progressant en fonction des images. Les dialogues sont longtemps embryonnaires, je vis l’histoire, je reviens souvent en arrière. D’où ma difficulté à travailler sur un scénario d’un autre!
Bodoï: Quelles sont vos planches les plus achevées?
P.E.Serpieri: Celles d’Aphrodisia sont les plus satisfaisantes, les plus proches du résultat que je voulais atteindre. Mais Créatura reste la bible de cette saga, je m’y replonge régulièrement. Reste que j’ai toujours eu beaucoup de problèmes avec les éditeurs et imprimeurs par rapport à la couleur. Ils ont parfois beaucoup dénaturé mon travail, surtout dans les deux premiers volumes parus chez Dargaud, où la couleur est très affadie. Je me suis aussi senti trahi pour des questions d’impression et de photogravure. Il y a énormément de noirs dans mes planches qui parfois deviennent grises à l’impression. C’est quand même désespérant de voir une paire de fesses qui perd toute sa matière ! Pour les rééditions chez Bagheera, on a amélioré l’impression à partir des films d’origine, mais à terme, il faudra tous les refaire. Je suis également exigeant pour les textes : j’ai déjà achevé une vingtaine de pages du prochain Druuna, mais je peux très bien les refaire entièrement après avoir achevé le dessin.
Bodoï: Pour un peintre de formation, vous parlez très peu de couleur.
P.E.Serpieri: Oui, car dans mes histoires de mondes en putréfaction, les ambiances sont sombres, souterraines, claustrophobes, et la couleur reste un simple accompagnement qui donne l’unité. Seule Druuna doit contraster avec le monde où elle évolue, son corps sort littéralement du sombre, du noir, il en est encore plus existant. Mais quand elle se retrouve sur la plage, les couleurs éclatent.
Bodoï: Il y a du graveur en vous!
P.E.Serpieri: Oui, j’utilise cette technique un peu comme Moebius, ou à la façon de Gustave Doré dans ses illustrations de la Divine Comédie C’est la lumière qui crée les volumes : regardez les toiles du Caravage. Mais à la base, j’ai toujours utilisé le pinceau, puis la plume, le crayon, le feutre, ou même le Bic.
Bodoï: Vous pourriez abandonner Druuna à un autre dessinateur?
P.E.Serpieri: Impossible, c’est mon gros bébé, ma créature à moi. Pour Pilote il y a quelques années, des auteurs ilaliens s’étaient vu proposer d’échanger leurs personnages, et Sicomore avait dessiné Druuna tandis que j’héritais deTartan. Mais c’était un jeu et ça s’est arrêté là.
Bodoï: Et à un cinéaste?
P.E.Serpieri: Ce serait très difficile, je n’ai jamais trouvé une actrice adéquate, ni même un éventuel Ridley Scott qui puisse assumer mes décors. On me propose simplement des petits films érotiques dont je ne veux pas. Mais je peux vous annoncer qu’on réalise actuellement en Italie un jeu vidéo en 3D sur Playstation avec Druuna. C’est presque du cinéma tant c’est réaliste, et nous avons en projet la réalisation d’un film avec cette technique là, c’est-à-dire sans acteurs.
Bodoï: Druuna pourrait rencontrer Lara Croft?
P.E.Serpieri: Druuna est le contraire de Lara Croft, cette grande marionnette qui marche mal et n’a pas beaucoup de rapports avec l’être humain, au moins sur le plan graphique. Dans mon projet en 3D, Druuna est un peu caricaturale mais réellement vivante, et très réaliste, notamment au niveau du déhanchement.
Bodoï: On pose pour vous?
P.E.Serpieri: J’utilise des modèles de temps en temps pour des recherches générales sur l’anatomie, mais pas pour la BD. Personnellement, je fais beaucoup de photo, surtout du noir et blanc, pour repérer les ombres et lumières. J’ai beaucoup photographié ma compagne mais je n’ai jamais exposé : il faudrait son autorisation, ce qui est loin d’être acquis...
Bodoï: Que pensez-vous des femmes de Crumb, qui sera le prochain président du festival d’Angoulême?
P.E.Serpieri: Il sera président ?! Euh... C’est un auteur extraordinaire... J’aime beaucoup ses femmes qui sont intéressantes, mais un peu déprimantes.
Bodoï: Avez-vous été récompensé à votre juste valeur?
P.E.Serpieri: Je m’en fiche un peu. J’ai eu un prix en 82 au festival de Lucca et je me rends volontiers à Angoulême, malgré le travail sur les dédicaces qui me prennent parfois vingt minutes. C’est là que j’ai découvert que mon public est aussi bien masculin que féminin à 50/50 et que mes lecteurs ont entre 17 et 72 ans.
Bodoï: Vous y faites des rencontres amusantes?
P.E.Serpieri: Très ! Surtout dans les librairies. Une fois, à Bologne, une jeune lectrice a exigé gentiment que je lui dessine ma Druuna sur la fesse - accordé ! Ce sont les femmes qui s’approprient le mieux le personnage de Druuna. Quant aux hommes, j’ai encore constaté récemment, lors d’une tournée des librairies dans le sud de la France, que chacun d’entre eux pense vivre avec sa propre Druuna. Mais quand je demande qu’on me la présente, bien sûr, il n’y a plus personne...
Bodoï: Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui?
P.E.Serpieri: Je me sens serein. Je voudrais travailler beaucoup plus, mais j’ai aussi besoin de recul et de qualité de vie : on doit pouvoir vivre ce qu’on veut raconter et raconter ce qu’on vit. Je peux avoir des conflits intérieurs, mais c’est créatif, et pas question de faire du bon fantastique si on vit au fond de son studio.
Ref : druuna.net